Elmaghribi, Samy (1922 – 2008)

Samy Elmaghribi de son nom de naissance Salomon Amzallag est né le 19 avril 1922 à Safi au Maroc, un jour assez symbolique, comme il le confie à un journaliste canadien: “Je suis né sous le signe du chant, le 7e jour de Pessah, le jour où le peuple juif est sorti d’Égypte. Or, d’après la tradition judéo-sépharade, Moïse a chanté quand les Hébreux ont traversé la Mer rouge. Le 8e jour de ma naissance, mon père invita des Shikhat, des femmes chanteuses, pour qu’elles fredonnent des airs populaires près de mon berceau.”

Salomon est le plus jeune des trois fils de Farha et d’Amram Amzallag. En 1926 la famille s’installe à Rabat, et le jeune Samy s’intéresse très vite à la musique arabo-andalouse.

On rapporte qu’à l’âge de 7 ans, il se fabrique lui-même une mandoline, avec les fils de lin qu’il ramassait dans l’atelier de confection de son père tailleur. Il apprend à jouer de l’oud en autodidacte et commence à fréquenter les musiciens du quartier juif de Rabat et à chanter à la synagogue et dans les fêtes de famille.

A l’âge de 14 ans, alors que sa mère vient de mourir, Samy et sa famille s’installent à Salé. Il étudie d’abord à l’Alliance Israélite, puis perfectionne son art musical au Conservatoire de Casablanca. Et c’est finalement à l’âge de 20 ans qu’il quitte son poste de directeur commercial pour se consacrer uniquement au chant et à la musique.

En 1948, son premier succès Loukane Elmlayin (Ah, si j’étais millionnaire) le propulse à Paris où il réalise son premier enregistrement chez Pathé Marconi.

En 1950, de retour au Maroc, il joue avec son orchestre les Samy’s boys.

Salomon Amzallag, dont la notoriété s’accroît au Maroc, s’installe alors à Casablanca et adopte son nom d’artiste Samy Elmaghribi, Samy le Maghrébin. Il y crée sa propre maison de disques, Samyphone, après avoir longtemps été édité par Pathé.

Entre 1942 et 1964, Samy Elmaghribi compose un répertoire de chansons qui deviennent populaires dans tout le Maghreb. Influencé par Salim Halali dont il admire la voix, il reprend d’une part des chants traditionnels, notamment les anciennes qassidat de Sidi Qaddour Al ‘Alami, du Cheikh Bouazza, de Bensliman et autres grands ténors de la poésie malhoun. D’autre part, il compose une musique populaire aux influences traditionnelles, sur les motifs du malhoun ou du hawzi.

Il multiplie les tournées, en particulier en Algérie, où il se produit avec l’orchestre symphonique de Radio Alger.

En 1960, il émigre au Canada. A ce moment, la communauté sépharade d’origine marocaine prend de l’ampleur à Montréal et Samy Elmaghribi devient en 1967 le premier hazan (chantre) de la synagogue hispano-portugaise Shearith Israel. Il y officiera 16 années durant.

En 1984, il quitte Montréal et part vivre à Ashdod en Israël. Il y fonde le Merkaz Piyyout Veshira, un centre de musique sépharade où il enseigne à titre de directeur pédagogique de 1988 à 1994 et dirige une chorale étudiante qui deviendra plus tard l’Orchestre Andalou d’Israël. Le 27 avril 2005, Samy Elmaghribi participe à un concert hommage à sa carrière de chanteur et de maître. L’événement, qui se déroule à l’Opéra de Tel-Aviv, marque aussi le 10e anniversaire de l’Orchestre Andalou d’Israël.

En 1996, il retourne vivre à Montréal, mais continue de parcourir le monde et participe à de nombreux événements musicaux importants, comme le Festival de Chant Gharnati à Rabat et Oujda (1999) et le Festival Arabo-Andalou (Arab-Andalusian Festival) à l’UNESCO à Paris (2000). En 2006, il est l’invité de la populaire émission télévisée Shada al alhan, dont l’enregistrement devient viral sur YouTube.

Aux Etats-Unis, il travaille pendant un certain temps comme chantre de la synagogue séfarade Beit Yosef dans le New Jersey, et enseigne la liturgie sépharade, entre autres à la Yeshiva University de New York.

Il meurt le 9 mars 2008 à Montréal.

UN GENIE MUSICAL
Samy Elmaghribi a su unifier la tradition et la modernité, le profane et le sacré, les Juifs et Musulmans.

Sa musique intègre la quintessence de l’héritage musical judéo-marocain et andalou. Titulaire d’une érudition musicale unique qui se retrouvait dans sa parfaite maîtrise de l’hébreu et de l’arabe classique. Il fut le premier à transcrire la musique andalouse. Il en a étudié le répertoire pour former des mélomanes dans la tradition de la poésie chantée judéo-marocaine, des piyoutim, du malhoun et du matrouz, des noubas du gharnati, du mou’al marocain, du cha’âbi algérien et du hawzi.

Il maîtrisait et conjuguait harmonieusement quatre genres: la chanson populaire marocaine ancienne et moderne, le chant classique andalou, et le chant liturgique, auxquels il intégra des mélodies de Turquie et d’Europe centrale.

Il a suivi le sentier déjà tracé par d’autres avant lui au début du 20e siècle, notamment par Edmond-Nathan Yafil, qui a publié son Diwan El Aghani Min Kalam El Andalous en 1905, et par David Iflah, considéré comme le “Doyen” de la musique andalouse, et respecté de ses pairs juifs et musulmans.

Cependant, à la différence de ceux qui l’ont précédé, il a appliqué son art systématiquement en expérimentant et en enregistrant la musique dans chacun des genres qui forment le répertoire musical judéo-arabo-andalou. Son génie résidait dans son habileté à puiser dans le vaste opus musical des onze noubas de la musique andalouse chaque fois qu’il voulait composer de nouveaux airs. Sa connaissance intime des 5 mouvements de chacune des noubas lui permettait d’en extraire des mélodies faciles à interpréter, tant dans des cadres religieux que séculiers.

Grâce à sa connaissance musicale encyclopédique, il pouvait facilement discerner les nuances entre la musique classique andalouse et le genre gharnati.

Samy a voyagé dans les années 50 à Alger pour écouter les grands maîtres tels Dahman Ben Achoure ou Reinette l’Oranaise, et s’imprégner des tonalités uniques à l’interprétation algérienne de la musique gharnati. Il s’inspirera plus tard de cette forme de musique non orchestrale pour conduire des offices dans les grandes synagogues de Casablanca, Paris, Jérusalem et Montréal. Ses interprétations du Kol Nidré sont réputées pour leur puissance et la finesse de leurs intonations. “Jamais un Juif maghrébin n’a eu autant d’influence sur un répertoire musical perçu essentiellement comme étant le domaine exclusif des Arabes. (Avraham Elarar, président de la fondation de l’Orchestre Andalou d’Israël).

Son interprétation de chansons populaires, les qassidat, et ses chansons au style reconnaissable entre toutes sont restées à tout jamais gravées dans le cœur d’une communauté dispersée de par le monde, et même dans celui de la nouvelle génération qui fredonne ses airs de musique, même si elle n’en saisit pas toujours les mots et le sens.

Samy a réussi à unir ensemble Juifs et Musulmans grâce à l’amour du chant, et a ainsi contribué à la vision de paix des temps futurs.

Sources :

 

Ecouter la playlist dédiée à Samy Elmaghribi

 

Consulter nos archives sur Sammy Elmaghribi

 

Regarder un extrait vidéo avec Samy Elmaghribi et Reinette l’Oranaise, vidéo issue de nos collections

 

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